Aujourd’hui, l’ennemi d’une action décisive contre le changement climatique n’est pas le négationniste qui dit « non, le changement climatique n’existe pas ». L’ennemi, c’est le climato-scepticisme, qui est beaucoup plus nuancé et dangereux parce qu’il ne nie pas l’existence du changement climatique, mais remet en question le consensus scientifique sur les causes, et lorsque les causes sont remises en question, les solutions, qui consistent à réduire la consommation de combustibles fossiles, sont remises en question ».
Mariana Castaño Cano, journaliste et fondatrice de 10 Billion Solutions, a ainsi défini le défi actuel posé par la montée du climato-scepticisme. Elle intervenait dans l’émission En Primera Plana sur France 24 en espagnol le 24 janvier, consacrée à l’analyse de la montée de la désinformation et aux moyens d’y faire face.
La désinformation, une arme de manipulation en temps de crise
La table ronde, animée par Carlos Herranz, réunissait également la journaliste d’investigation Sofía Álvarez et la philosophe Tania Sánchez. Les trois experts ont analysé le rôle des réseaux sociaux, d’internet et des services de messagerie instantanée dans la diffusion de fausses nouvelles et de campagnes de désinformation orchestrées, sur des questions aussi essentielles que le changement climatique et la démocratie.
Les facteurs qui influencent la montée de la désinformation sont les suivants :
- Immédiateté: comme l’a expliqué Tania Sanchez, « il est beaucoup plus facile de croire un mensonge, de croire un faux contenu que de passer une semaine à étudier pour se forger une opinion ». Cette culture de la vitesse laisse peu de place à la réflexion.
- L’effet de chambre d’écho: Mariana Castaño Cano a souligné comment les algorithmes renforcent les opinions préexistantes. « Le fait d’être exposé à ce que nous savons déjà, à ce que nous pensons déjà […] donne une fausse image de l’opinion publique, comme si tout le monde avait la même opinion que nous. C’est une fausse représentation de la réalité ».
- Désaffection et méfiance à l’égard des médias et des institutions traditionnelles : selon Castaño Cano, « malheureusement, les institutions classiques, les hommes politiques, la presse, et même l’éducation, perdent la confiance du public ». Cela laisse un vide que la désinformation remplit facilement.
- Le bruit dans les réseaux: Mariana a souligné que nous sommes confrontés à une « épidémie » d’« obésité informationnelle », où la surexposition à l’information et aux mensonges nous désensibilise et rend difficile le discernement entre le vrai et le faux.
- La viscéralité l’emporte sur la raison : « l’émotion touche davantage la corde sensible des électeurs que des données froides et vérifiables », souligne Tania. Cela explique pourquoi les canulars, conçus pour susciter l’indignation, sont partagés plus rapidement que les faits vérifiés.
Les catastrophes climatiques, terreau fertile pour les canulars
Les récents événements climatiques extrêmes, tels que les inondations à Valence ou l’ouragan Helen, ont constitué un terreau fertile pour la désinformation. Mariana a illustré la manière dont les canulars suscitent la méfiance à l’égard d’institutions clés : « Aujourd’hui, des semaines après la catastrophe (de Valence), des vidéos circulent encore sur des réseaux tels que Facebook et Instagram, où l’Agence Météorologique Espagnole est accusée d’avoir utilisé ses radars pour détourner les nuages afin que les précipitations se concentrent davantage dans la région de Valence ».
Sofía Álvarez a ajouté un point critique : « La plupart des internautes se limitent à lire les titres et de brèves notes sans trop s’impliquer dans l’information, et même dans ce cas, ils partagent. » Cette superficialité, dit-elle, facilite la propagation rapide de canulars similaires dans des contextes différents, laissant le public sans outils pour identifier les schémas qui se répètent ou pour comparer les sources.
Redéfinir le rôle des plateformes numériques
Mariana Castaño Cano a appelé à ce que les espaces numériques soient réglementés avec la même responsabilité que celle exigée des médias traditionnels : « Dans le cas des plateformes, et pas seulement des plateformes traditionnelles de médias sociaux, mais aussi des services de messagerie, c’est le Far West, c’est chacun pour soi. […] Il faut mettre un terme à cette situation avec une législation et des observatoires plus puissants, avec plus de moyens ».
Au-delà de la dénonciation, Mariana cherche des solutions et, à travers 10 Billion Solutions, travaille à transformer les récits climatiques pour qu’ils deviennent des moteurs de changement. Elle a également souligné l’importance de l’« hygiène de l’information » : « Tout comme nous avons appris l’hygiène personnelle avec le COVID, nous avons besoin d’une hygiène de l’information pour sélectionner les sources qui nous informent et limiter l’exposition aux sources contaminées ».
L’effort collectif pour sauver la vérité
Le débat s’est conclu par des propositions concrètes visant à freiner la désinformation, telles que l’éducation à l’esprit critique, la réglementation des technologies et la limitation de la diffusion de contenus non vérifiés. Mariana a rappelé que « nous sommes confrontés à des campagnes de désinformation très bien organisées […] qui nuisent considérablement aux solutions dont nous avons besoin pour lutter contre le changement climatique et d’autres problèmes de société ».
En période de crise climatique et de confusion de l’information, le travail des journalistes, des médias et des communicateurs devient essentiel pour garantir que les citoyens puissent accéder à des informations véridiques sur les principaux problèmes qui les affectent et sur les moyens de les résoudre.
Le programme complet peut être consulté ici.