Pour la première fois depuis 2020, les émissions du secteur mondial du bâtiment n’ont pas augmenté en 2023. Mais soyons clairs : un plateau n’est pas un tournant. Selon le rapport 2024/25 sur la situation mondiale des bâtiments et de la construction, les émissions de gaz à effet de serre sont encore 44 % supérieures à ce qu’elles devraient être pour s’aligner sur l’accord de Paris. Malgré la construction d’un plus grand nombre de bâtiments (augmentation de 3 % de la surface au sol), les politiques, les financements et les mesures de performance nécessaires à la décarbonisation du secteur demeurent dangereusement insuffisants.
L’Alliance Mondiale pour les Bâtiments et la Construction (Global ABC) a lancé ce rapport-phare la semaine dernière lors de la Semaine de l’Énergie de Berlin, à l’occasion de la Journée de l’Efficacité Énergétique. Pour en savoir plus sur la Journée de l’Efficacité Énergétique, lisez notre résumé ici.
Pourquoi les bâtiments sont-ils importants ?
Le secteur du bâtiment et de la construction représente :
- 34 % des émissions de CO₂ liées à l’énergie et aux processus dans le monde
- 32 % de la demande en énergie finale
Pourtant, la trajectoire mondiale vers des émissions nettes nulles d’ici 2050 reste hors de portée.

Le Global Buildings Climate Tracker (BCT) montre un écart de décarbonisation de plus de 42 points. Des codes au financement en passant par les énergies renouvelables, nous sommes à la traîne dans tous les domaines :
- L’intensité énergétique est 11 % plus élevée que nécessaire.
- L’utilisation des énergies renouvelables dans les bâtiments est inférieure de 13% à l’objectif.
- Les investissements cumulés dans l’efficacité énergétique sont 37 % en deçà du niveau requis.

Les Récits Construisent l’Action
Une partie du défi consiste à savoir comment nous parlons des bâtiments. Ils sont souvent considérés comme lents, difficiles à changer et techniques. Mais ce récit passe à côté de l’essentiel.
Les bâtiments sont :
- La vie et les moyens de subsistance des gens
- La santé publique et l’équité urbaine
- Des moteurs économiques et des créateurs d’emplois
- Une infrastructure de résilience dans un monde qui se réchauffe
Nous avons besoin d’une nouvelle approche, passant des « bâtiments comme barrières » aux « bâtiments comme ponts » vers un avenir régénérateur et résilient.
Ce qui doit changer
Selon le rapport, pour nous remettre sur la bonne voie, nous devons :
- Rendre les codes de construction zéro émission obligatoires dans le monde entier d’ici 2030.
- Veiller à ce que tous les nouveaux bâtiments soient zéro émission d’ici 2030 et tous les bâtiments d’ici 2050.
- Intégrer les bâtiments en profondeur dans les plans climatiques nationaux et les mises à jour des CDN 3.0.
- Combler le déficit de mise en œuvre grâce à des stratégies de financement, de renforcement des capacités et de la main-d’œuvre.
Il est essentiel de noter que si 83 pays ont des codes énergétiques obligatoires pour les bâtiments, seuls trois d’entre eux (la France, les États-Unis et le Canada) ont adopté des normes de construction à zéro émission, et même celles-ci sont pour la plupart volontaires.
Où est l’argent ?
Le rapport met en évidence une forte baisse des investissements dans l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment, ce qui est l’une des conclusions les plus alarmantes.
Voici les points clés :
- En 2023, les investissements mondiaux dans l’efficacité énergétique des bâtiments ont chuté de 7 % par rapport à 2022, pour s’établir à environ 280 milliards de dollars.
- Cette tendance devrait se poursuivre à la baisse, les estimations pour 2024 prévoyant une nouvelle baisse à 260 milliards de dollars.
- Cumulés, les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments de 2015 à 2023 sont désormais 37 % inférieurs à l’objectif nécessaire pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.
- Depuis 2016, l’écart entre les investissements réels et les investissements nécessaires a augmenté de 32 % par an.
COP30 : plaider pour que l’environnement bâti soit au cœur des préoccupations
Alors que nous nous dirigeons vers la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de novembre prochain, COP30 à Belém, l’appel est urgent : l’environnement bâti doit être reconnu comme un champ de bataille essentiel pour le climat.
En tant qu’hôte de la COP30, le Brésil a fermement inscrit les bâtiments et la construction à l’ordre du jour de la lutte contre le changement climatique, reconnaissant que ce secteur est un levier essentiel pour un développement sobre en carbone. Dans sa déclaration dans le rapport, l’ambassadeur Antonio Da Costa e Silva affirme que « la COP30 mettra en évidence la manière dont les pays en développement disposant de sources d’énergie renouvelables servent d’exemples importants de solutions sobres en carbone créant des opportunités de réduction des émissions ».
Il souligne le rôle du Global Status Report (GSR) en tant que feuille de route pour transformer les recommandations en mesures pratiques pour un avenir résilient et zéro émission.
Le rapport souligne que l’harmonisation mondiale des définitions et des normes, associée à une augmentation des investissements et des capacités, est essentielle pour construire des bâtiments compatibles avec le climat. Le défi ne réside plus dans le diagnostic, mais dans la mobilisation de la volonté politique et des outils financiers pour atteindre ces ambitions d’ici la COP30.
Au cœur de la mobilisation internationale pour aligner les bâtiments sur l’Accord de Paris se trouve le Conseil Intergouvernemental pour les Bâtiments et le Climat (ICBC), un nouvel organisme créé pour faire progresser les engagements de la Déclaration de Chaillot en mars 2024.
Coprésidé par le Brésil, la France et le Kenya, l’ICBC rassemble les gouvernements nationaux pour coordonner les politiques, partager les solutions et veiller à ce que la décarbonation du secteur du bâtiment reste une priorité mondiale.
En savoir plus sur notre travail en faveur du secteur du bâtiment et de la construction.